Depuis l’indépendance de 1956, le Soudan a connu de nombreuses guerres civiles. La dernière en date a débuté en 2019 : après des manifestations dénonçant initialement le coût de la vie au Nord-Soudan, le FSR et le FAS renverse le gouvernement. Les deux groupes armés, alliés d’un temps, se livre depuis une guerre fratricide. Le conflit auraient déjà fait plusieurs milliers de victimes et plusieurs millions de déplacés, dont plus de trois millions à l’extérieur du pays. Les deux mouvements s’appuient désormais sur des nombreux alliés internationaux aux intérêts divers. Dans ce conflit, la Russie n’est qu’un acteur parmi d’autres.
Retour de la marine russe en Mer Rouge
Le Ministre des affaires étrangères des Forces Armées du Soudan (FAS) Ali Youssef Ahmed al-Sharif était en visite à Moscou entre le 10 et le 13 Février dernier. A la suite de sa rencontre avec son homologue russe Sergueï Lavrov, il a indiqué ne voir aucun obstacle à l’installation d’une nouvelle base russe dans le pays. Cet accord fait suite à un premier accord d’appuis logistiques signé entre l’état soudanais et la marine russe en 2017.
« Il y a eu un accord qui a été signé et il n’y a pas d’obstacles. Nous sommes tout à fait d’accord »
Ce projet avait déjà été prévu par l’ancien dictateur Omar al-Bashir en 2019, avant d’être renversé par les FAS, et n’avait donc pas vu le jour.
En 2021, les chefs du FAS avaient assuré vouloir revoir cette décision parce qu’elle n’étant pas conforme aux intérêts nationaux du Soudan. Puis, lors de la 77ème session de l’Assemblée Nationale de l’ONU, en septembre 2022, le général Al-Burhane, chef des FAS, a finalement déclaré que les discussions autour du projet de base russe étaient « toujours en cours ». La guerre civile en cours au Soudan du Nord n’a finalement que retardé le retour de la marine russe dans la Mer Rouge. La base de Port-Soudan devrait pouvoir accueillir quatre bâtiments militaires et 300 personnes. Depuis novembre 2020, la marine soudanaise s’entraine déjà sur un navire-école de la Russie dans le cadre de cette coopération militaire.

C’est la première fois depuis la fermeture de la base de Berbera en Somalie que la marine russe retrouvera une base assurant sa présence permanente dans l’Océan Indien. L’Union soviétique a eu une base militaire à Berbera, en Somalie, entre 1964 et 1977 et à partir de 1978, une première base navale dans l’archipel de Dahlak, qui appartenait à l’époque à l’Ethiopie. Elle est restée ouverte jusqu’en 1990. L’URSS avait également des installations au Yémen à Socotra pour ravitailler ses flottes dans l’Océan Indien.
La Russie vient de s’offrir l’assurance d’une présence dans la zone pour les 25 prochaines années, avec une première option de renouvellement pour les dix années suivantes. La Russie rejoint à cette occasion d’autres grandes puissances, comme les Etats-Unis, la Chine, la France, la Grande-Bretagne, la Turquie et le Japon, présents à Djibouti, l’Arabie Saoudite ou encore Israël… La Mer Rouge et le Canal de Suez occupe une position stratégique dans le flux de transit maritime dans le Monde. L’accord signé entre le Soudan et la Russie mentionne à la fois le caractère logistique de cette présence et la volonté de ne pas diriger ces installations contre aucun autre état.
La Russie a-t-elle joué un double jeu au Soudan ?
Les relations diplomatiques entre le Soudan et l’Union Soviétique ont commencé dans les années 60. Les années 70 ont été marqué par la tentative de renversement du régime du président Nimeiry (1971-1985) par l’ingérence soviétique. Moscou et Khartoum ont rétabli leurs liens après l’arrivée au pouvoir d’Al-Bashir (1989-2019). Depuis, la Russie participe au rétablissement des Forces Armées du Soudan. En 2008, la Russie a vendu des MIG-29 aux autorités soudanaises via la Biélorussie voisine. En 2008 et 2016, la Cours Pénale Internationale a voulue traduire Al-Bashir pour crime contre l’Humanité, crimes de guerre et génocide après les atrocités commises au Darfour, mais la Russie s’y est opposée. En 2017, Al-Bashir c’est rendu en visite officielle en Russie. La même année, la Russie et le Soudan ont obtenu le départ progressif des forces des Nations-Unis au Darfour et leur remplacement par des forces de l’armée soudanaise. Les compagnies minières russes présentes au Soudan ont ainsi pu travailler à l’abris des regards indiscrets. Lors des évènements de 2019, la Russie a soutenu les généraux des FAS et des FSR contre les représentants de la société civile, qui étaient majoritairement défavorable à la présence russe dans le pays.
Depuis 2021, le Conseil de Souveraineté de Transition a remplacé le Conseil de Souveraineté (2019-2021). La Russie et l’Iran ont reconnu à l’époque le Conseil de Souveraineté de Transition comme le représentant légitime du peuple soudanais. En octobre 2022, les militaires sont revenus au pouvoir à la faveur d’un coup d’état mené par le général Abdel Fattah al-Burhane.
A partir d’Avril 2023, pendant le début de la guerre civile, le groupe paramilitaire Wagner a aidé les Forces de Soutien Rapide (RSF) du général Mohamed Hamdan Dagalo contre les FAS. Les Forces de Soutien Rapide qui combattent aujourd’hui l’armée soudanaise est l’une des progénitures de la milice Janjaweed que le régime d’Al-Bashir a armé pour réduire à néant la révolte intervenue dans le Darfour en 2003. Al-Bashir s’est servi des FSR pendant de nombreuses années pour empêcher tout coup d’état dans l’armée régulière à l’encontre de son pouvoir. A la veille de la guerre civile, les FSR comptaient jusqu’à 120 000 soldats. Les relations entre la Russie et les FSR ont culminé après le coup d’état militaire du 25 octobre 2023 à l’encontre de la branche civile du gouvernement de transition auquel ont participé aussi bien les FAS et les FSR. La visite de Hemedti à Moscou en 2022 avait officialisé cette relation. Yevgeny Prigozhin, ancien chef du groupe paramilitaire russe Wagner, avait également proposé de servir de médiateur en Avril 2023, malgré que ces forces se soit impliqué auprès des FSR dans les débuts de la guerre civile afin d’assurer à la Russie l’accès aux ressources minières des zones contrôlées par le général Hemedti.
Pendant ce temps, la Russie a continué de fournir un soutien militaire aux forces militaires de Khartoum réfugiés à Port-Soudan, fournissant 87% de l’armement du pays (source : Institut International de Recherche sur la Paix de Stockholm). La Russie aurait donc joué un double jeu au Soudan jusqu’à la mort du chef du Groupe Wagner Prigogine. Dans les débuts de la guerre civile, l’armée soudanaise avait même reçu un contingent de trois cents ukrainiens dans sa lutte contre les FSR soutenu par Prigojine et les hommes de Wagner.
Depuis, le gouvernement russe a renforcé ces liens avec les FAS. Aujourd’hui, la Russie aide les « vainqueurs » de la guerre civile en cours. Wagner a été remplacé par des corps expéditionnaires du ministère de la Défense de la Fédération qui soutiennent les FAS dans la reprise en main du centre du pays. En Avril 2024, la Russie a soutenu la position du Soudan aux Nations Unies en apposant son véto à l’encontre d’une résolution appelant à un cessez-le-feu proposé en raison de la crise humanitaire en cours dans le pays (famines, déplacements de population…). Le Vice-Ministre des Affaires Etrangères Mikhail Bogdanov s’est rendu à Port-Soudan pour rencontrer le général Abdel Fattah Al Burdan (FAS), puis a reçu le ministre des Affaires étrangères Hussein Awad. En échange d’une présence accrue de la marine russe à Port-Soudan, la Russie a promis au FAS du fuel et des armes pour mener à bien sa lutte contre la rébellion des FSR.
En Juin 2024, le vice-président du Conseil de Souveraineté de Transition Malik Agar s’est rendu en Russie pour finaliser l’accord avec la Russie. A cette occasion, sa délégation a participé au Forum Economique International de St-Pétersbourg. En Août, une délégation de la Banque Centrale russe s’est rendue au Soudan pour discuter de la possibilité d’organiser les échanges commerciaux des prochaines années en utilisant les monnaies nationales respectives des deux pays. Depuis Septembre 2024, les autorités soudanaises du FAS négocient activement avec la Russie pour le déploiement de nouvelles coopérations dans le domaine énergétique. Des projets conjoints d’explorations pétrolières, de production et de partage de cette ressource sont à l’œuvre. Viktor Tchemodanov, le président du Conseil russo-soudanais pour le Commerce, était présent en septembre 2024 au Soudan pour développer les relations commerciales des deux états.
La politique de la Russie au Soudan relève d’avantage d’une adaptation à la situation politique soudanaise « au jour le jour » dans un pays en crise constante que d’un double-jeu volontaire et constant.
Des objectifs de projections multiples
Dans la feuille de route intitulé Concept de la Politique Etrangère de la Fédération de Russie publié en mars 2023, l’Afrique est passé en sixième position des zones géographiques prioritaires pour la politique étrangère russe, alors qu’elle était en dixième et dernière position du même document en 2016. Alors que le mot « Afrique » n’était mentionné que trois fois en 2016, il l’est 21 fois en 2023. Depuis 2022, le concept de majorité mondiale a été popularisé dans les universités russes, après être apparu dans Russian Policy toward the World Majority ; Politika Rossii v otnoshenii Mirovogo bol’shinstva, de Sergei Karaganov.
En 2023, les exportations russes en Afrique ont bondi de 43%, pour atteindre un total de 21 milliards de dollars. Les trois premiers partenaires que sont l’Egypte, l’Algérie et le Maroc représentent à eux seuls la moitié de cette somme. Depuis 2019, la part de l’Afrique dans les échanges internationaux russes à triplée, pour atteindre un total de 5% en 2023. A titre de comparaison, en 2023, les échanges Chine-Afrique représentaient 240 milliards de dollars, ceux de l’Inde 65 milliards, de la Turquie 55 milliards. Ces échanges sont composés de ventes d’armes et de munitions, de sa logistique, de ventes de céréales et des fertilisants, et de produits énergétiques (gaz et pétroles) … D’après le Stockholm International Peace Research Institute, depuis 2020, le Soudan serait devenu le deuxième acheteur d’armes et de munitions russes, après l’Algérie.
Entre 2022 et 2024, Lavrov a fait six tournées de visites en Afrique. Des centaines de diplomates russes qui avaient été renvoyé des ambassades en Amérique du Nord et en Europe occidentale depuis la fin de la dernière décennie sont progressivement replacés dans les ambassades russes en Afrique. Le 9 et 10 novembre 2024 s’est tenu le Sommet inaugural de coopérations des Ministères Russie-Afrique, quatre ans après le premier Sommet Russie-Afrique de Sotchi de 2020.
D’après les analystes du Washington Institute Studies of War (ISW), la nouvelle base de la marine russe de Port-Soudan pourrait également accueillir des MIG-29 et des unités de dronistes dans le futur. L’objectif serait de servir de base arrière pour la base russe de Maaten al Sarra, à la frontière entre le Soudan et le Chad.
Cette région est stratégique puisqu’elle permet le contrôle des routes de l’extraction de minéraux venant d’Afrique. Ces sept dernières années, le Groupe Wagner (et parfois l’armée régulière russe) ont été actif dans plusieurs pays d’Afrique : au Nord-Soudan, en Lybie, en République de Centre Afrique, au Mali, au Burkina Faso, au Niger, au Mozambique… D’après un rapport du Conseil Mondial de l’Or (World Gold Council), le Group Wagner aurait généré plus de 2,5 milliards de revenues dû à l’exploitation illégale de l’or depuis Février 2022 dans les zones contrôlées par son allié le FSR. La Russie avait également négocié un accès privilégié aux mines d’or du Soudan en 2017 avec l’ancien dictateur Omar el-Béchir. Ces mines sont aujourd’hui contrôlées par les FSR.
Depuis 2018, la Russie soutient la Lybie du général Haftar contre le gouvernement de Tripoli, soutenu par la Turquie et la coalition internationale (OTAN, EAU, Qatar, Jordanie). L’armée général Haftar, chef de l’Armée Nationale Libyenne à sécuriser la zone de Maater al-Sarra pour permettre l’approvisionnement par la Russie des FAS en armes et en carburants. La Russie est également installée dans les bases libyennes d’Al-Khadim (dans l’est), d’Al-Joufra (au centre de la Lybie), de Birak (au Nord-Ouest) et de Ghardabiya (dans le nord du pays). Moscou entretient également des relations avec les communautés tribales de la région du Fezzan (sud du pays) afin de garantir son accès aux mines d’or des zones frontalières du Tchad et du Niger.
Le lundi 18 novembre 2024, la Russie a opposé son véto à un projet de résolution de l’ONU présenté par le Royaume-Uni et la Sierra Léone appelant à un cessez-le-feu et à la protection des civiles au Soudan : « cesser immédiatement les hostilités et […] s’engager de bonne foi dans un dialogue pour permettre des étapes vers une désescalade, dans le but de se mettre d’accord de façon urgente sur un cessez-le-feu national ». La Russie a accusé les britanniques d’avoir empêché « toute mention des autorités légitimes du Soudan ». Le Ministères des Affaires Etrangères du Soudan a salué le véto russe.
La Russie a décidé de s’abstenir de voter le projet de prolongation du mandat du groupe d’experts du Comité des sanctions créé par la résolution 1591 concernant le Darfour soudanais de 2005 proposé par les Etats-Unis en février 2025 : « […] nous jugeons inacceptable toute velléité d’étendre le régime des sanctions au-delà du Darfour. Après vingt ans de restrictions imposées, ces dernières n’ont rien apporté d’utile aux Soudanais », a déclaré Vassili Nebenzia, représentant permanent de la Russie auprès des Nations Unies.
En septembre 2024, le Conseil de Sécurité des Nations Unies avait adopté un projet de résolution visant à maintenir le régime de sanctions contre le Soudan comprenant des mesures comme l’embargo sur les livraisons d’armes, mais aussi le gel des avoirs des dirigeants soudanais ou l’interdiction de voyager pour ces derniers jusqu’au 12 septembre 2025.
Des implications internationales
Les Forces Armées du Soudan ont eu reçu le soutien de la Turquie ou encore de l’Egypte en armes, soldats et en bombardements de positions ennemis. Les turcs ont fourni des drones à l’armée du général al-Burhane. Fin 2017, les autorités soudanaises ont cédé le management de l’île de Suakin à la Turquie pour 99 ans en échange de promesses d’investissements et une coopération militaire. Cette coopération est vu d’un mauvais œil par des pays tel que l’Egypte et l’Arabie Saoudite. Ce projet turc est au ralenti depuis 2019, après que le nouveau gouvernement soudanais ait finalement décidé de se rapprocher de l’Egypte, des Emirats et de la Russie. Ankara possède déjà des installations au Qatar et en Somalie. Les égyptiens ont été un acteur plus irrégulier encore, ayant retiré leur soutien au FAS au début de la guerre civile après leurs premières difficultés, avant de les soutenir à nouveau. L’Egypte s’était officiellement déclaré défavorable à la construction d’une base navale russe proche de sa frontière.
Le cas de l’Iran est également intéressant : initialement un soutien du Soudan d’Omar al-Bashir, l’Iran lui a retiré son soutien en 2014 après l’alignement du Soudan avec l’Arabie Saoudite. En 2016, le Soudan avait même normalisé ces relations avec Israël. Le Soudan est allé jusqu’à faire fermer les centres culturels iraniens et a renvoyé les représentants de la république islamique dans le pays. Dans un pays constitué de 91% de musulmans ultra-majoritairement sunnites, l’Iran s’était implanté massivement par la construction de mosquées, mais sans grand succès de conversion. En 2015, l’Université international Al-Mustafa de Téhéran avaient implanté des campus dans 30 pays africains, dont le Soudan ; 5000 africains y étudiaient, dont 2000 à Téhéran.
L’Iran revient depuis quelques années dans le jeu soudanais. Depuis octobre 2023, les mollahs ont pris le parti des FAS, avec un objectif similaire à la Russie : obtenir une présence à Port Soudan afin de soutenir plus aisément les houthis au Yémen. Le même mois, l’Iran et le Soudan ont procédé à un premier échange d’ambassadeur après huit ans de rupture diplomatique. Les drones iraniens ont joué un rôle important dans la reprise des deux plus grandes villes du pays, Khartoum et Omdurman, par les FAS. Depuis 2024, les FAS ont repris l’avantage dans le conflit et se sont donc distancié d’Israël pour renforcer leur alliance avec l’Iran.
En Février 2024, le Ministre des Affaires Etrangères du FAS s’est rendu à Téhéran pour rencontrer le président Ebrahim Raisi. A l’occasion de ce voyage, le Soudan à dénoncer pour la première fois en dix ans les agissements d’Israël en Palestine. Cependant, l’Iran s’est vu refusé son projet de port militaire à Port-Soudan car les FAS craignent de potentiels sanctions occidentales. Le 17 février dernier, le ministre des affaires étrangères Ali Youssif s’est rendu à Téhéran pour rencontrer le président Pezeshkian, le représentant du parlement iranien et son homologue des affaires étrangères. L’Iran a officialisé à cette occasion son soutien au gouvernement soudanais contre les FSR et sa participation à la reconstruction du pays. Les deux dirigeants ont également évoqué l’échange de technologie en matière de production de drones de combats.
Lundi 18 novembre 2024, l’émissaire américain Tom Perriello a rencontré pour la première fois le général al-Burhane à Port-Soudan pour évoquer l’aide humanitaire et les moyens de parvenir à un cessez-le-feu. Mais en janvier 2025, le gouvernement américain a finalement décidé d’imposer de nouvelles sanctions à l’encontre des leaders du FAS. L’ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’ONU Linda Thomas-Greenfield a accusé la Russie de « financer les deux parties belligérantes ».
L’idée de la construction d’une base navale russe à Port-Soudan avait gagné du terrain lors de la première présidence de Donald Trump (2016-2020). Trump avait promis de retirer le Soudan de la liste des états parrains du terrorisme après que le Soudan ait normalisé ces relations avec Israël. Pendant le mandat Biden (2020-2024), les FAS ont utilisé leurs liens avec la Russie comme moyen de pressions sur l’administration américaine. Avant de quitter la Maison Blanche, Joe Biden a fini par imposé de nouvelles sanctions sur les deux généraux responsables de la guerre civile.
Les FAS se sont dit ouverts a d’autres accords d’utilisation des installations de Port-Soudan avec l’Egypte, l’Arabie Saoudite mais aussi les Etats-Unis sur le modèle de Djibouti. En 2024, Jibril Ibrahim, Ministre des finances et leader du groupe rebelle du Darfour « Mouvement pour la Justice et l’Egalité », maintenant allié des FAS, s’est déclaré favorable à l’accueil d’une base navale américaine à Port-Soudan.
Un pays, deux légitimités
Mohamed Hamdan Daglo, dit « Hemedti », ancien deuxième homme du pays et chef des Forces de Soutien Rapide, a lui aussi reçu de l’aide de la part de partenaires étrangers. Les FSR se sont essentiellement appuyées sur le soutien des Emirats Arabes Unis, qui s’approvisionne en or dans l’est du Soudan. Les Emirats approvisionnent depuis longtemps les RSF en armes et drones via le Tchad, la Lybie ou la République de Centrafrique, en violation de l’embargo imposé par l’ONU. Avant le début de la guerre civile, les EAU avaient déjà engrangé 2,3 milliards de dollars de gain au Nord-Soudan. Les sociétés émiraties auraient exploité plus de 200 000 hectares de terres au Soudan et les Emirats prévoyaient d’investir dans le port d’Abu Amama. Le projet a été abandonné après la reprise en main de Khartoum par les FAS. Les Emirats auraient également recruté des membres des FSR pour combattre au Yémen face aux Houthis soutenu par les Forces Armées du Soudan.
L’Armée Nationale Libyenne s’implique également en faveur du FSR en échange d’un approvisionnement en or. D’autres acteurs africains ont soutenu le FSR : c’est le cas du Chad ou du Kenya, bien que le Kenya ait depuis changer de camp. Après avoir pris le dessus lors des débuts de cette guerre civile, Hemedti avait entreprit une tournée en Afrique en janvier 2024, au cours de laquelle il a été accueilli par les chefs d’état de l’Afrique du Sud, de l’Ouganda, de Djibouti, du Rwanda, de l’Ethiopie et du Kenya.
En janvier 2025, les FAS ont repris possession de la capitale Khartoum, qu’ils avaient dû abandonner en Avril 2023. Mohamed Hamda « Hemeti » Dagola a signé le 19 février 2025 à Nairobi une nouvelle chartre politique qui a donné vie à un gouvernement parallèle dans les zones contrôlées par les FSR après avoir quitté la plateforme de Coordination des Forces Civiles Démocratiques dite « Tagaduum » qu’il avait lui-même promue.
Ce gouvernement parallèle a bénéficié d’une aide financière de la part des Emirats Arabes Unis, de l’Ethiopie et du Kenya. Lors d’une conférence organisée en marge du 38ème Sommet de l’Union Africaine à Addis-Abeba du 16 Février 2025, les Emirats ont promis 200 millions, l’Ethiopie quinze millions et le Kenya un million de dollars pour organiser l’aide humanitaire au Soudan.
Hadi Idris, responsable du Front Révolutionnaire Soudanais, qui participe à ce gouvernement parallèle, a déclaré que la chartre serait ouverte à la signature de toutes les parties, y compris l’armée : « Après la signature de la chartre politique, nous discuterons de la question de l’autorité et de qui prendra les fonctions, et nous annoncerons le gouvernement dans deux trois semaines », ajoutant que Khartoum serait la capitale et que le gouvernement serait dissous une fois que l’armée et les forces révolutionnaires soudanaises auraient signés un accord de paix.
Les partis politiques et associations de professionnels soudanais proches de l’ancien premier ministre Hamdok, opposés à l’initiative du nouveau gouvernement parallèle, ont annoncé la création d’une nouvelle Alliance démocratique des forces de la Révolution baptisé SMOUD. Cette nouvelle alliance compte dans ces rangs les Parti National de l’Oumma et Parti National uni de l’Oumma, le Parti du Congrès du Soudan et le Parti national du Soudan, le Parti Tawasul, le Parti nassérien, le Parti de l’alliance nationale, le Front populaire uni, le Mouvement Haq et le Mouvement de libération du peuple soudanais-Courant démocratique révolutionnaire (SPLM-RDC). Dix-sept syndicats de professionnels, dont le Syndicat des journalistes soudanais, le Comité des médecins soudanais, les Avocats d’urgence et le Comité des enseignants, ainsi que huit comités de résistance ont rejoint cette alliance.
Les Forces Armées Soudanaises du général al-Burhan se sont également engagé auprès de l’Union Africaine à nommer un premier ministre et à transférer le pouvoir à un gouvernement civile fin février. L’objectif de cette manœuvre est de faire réadmettre à terme le Soudan au sein de l’Union Africaine. Le pays en avait été exclue après le coup d’état de 2021.
La Turquie s’est proposée de servir de médiateur pour résoudre la crise, et les Emirats Arabes Unis se sont montré ouvert à cette proposition. Mais vu le rôle de la Turquie comme soutient des FAS, on peut douter de l’efficacité de la médiation d’Ankara dans ce conflit. Depuis le printemps 2025, les forces régulières de l’armée soudanaise ont repris du terrain, et les forces révolutionnaires se cantonnent aujourd’hui au quart sud-ouest du Nord-Soudan.
Sources:
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The Guardian, Sudan says plan for first Russian naval base in Africa will go ahead, 13/02/25 https://www.theguardian.com/world/2025/feb/13/sudan-first-russian-naval-base-in-africa-go-ahead
Military Africa, Sudan greenlights first Russian naval base in Africa, 14/02/25 https://www.military.africa/2025/02/sudan-greenlights-first-russian-naval-base-in-africa
The Eurasian Times, After U.S. & China, Russia to get its first naval base In the Red Sea; Long-Pending Deal Gets Sudan’s Nod, 15/02/25 https://www.eurasiantimes.com/after-u-s-long-pending-deal-gets-sudans-nod/
Agenzia Nova, Sudan: Agreement reached to create Russian naval base on Red Sea,13/02/25 https://www.agenzianova.com/en/news/Sudan-reached-agreement-to-create-Russian-naval-base-on-Red-Sea
Kyiv Post, Russia secures sudanese naval base after Syria setback, 14/02/25 Russia Secures Sudanese Naval Base After Syria Setback
BNE Intellinews, Russia, facing loss of Syrian base for Africa operations, seen turning to war-torn Sudan or divided Libya, 09/12/24 https://www.intellinews.com/russia-facing-loss-of-syrian-base-for-africa-operations-seen-turning-to-war-torn-sudan-or-divided-libya-357423
The Cradle, Sudan: Iran and Russia’s new Red Sea frontline, 13/02/25 https://thecradle.co/articles/sudan-iran-and-russias-new-red-sea-frontline
Jamestown Foundation, Russia switches sides in Sudan war, 08/07/24 https://jamestown.org/program/russia-switches-sides-in-sudan-war
Agence Ecofin, Le Soudan et la Russie ont un « accord final » pour une base navale sur la mer Rouge, 16/02/25 https://www.agenceecofin.com/actualites/1602-125855-le-soudan-et-la-russie-ont-un-accord-final-pour-une-base-navale-sur-la-mer-rouge-ministre
France 24, Pourquoi la Russie s’aligne sur l’armée du général Burhane au Soudan, 19/11/24 https://www.france24.com/fr/afrique/20241119-la-strat%C3%A9gie-d-%C3%A9quilibriste-de-la-russie-dans-un-soudan-en-guerre
I24 News, L’Iran et la Russie convoitent une base navale au Soudan après leur recul en Syrie, 19/12/24 https://www.i24news.tv/fr/actu/international/artc-l-iran-et-la-russie-convoitent-une-base-navale-au-soudan-apres-leur-recul-en-syrie
Teria News, Poignée de main entre la Russie et le Soudan pour la construction d’une base navale, 17/02/25 Poignée de main entre la Russie et le Soudan pour la construction d’une base navale
Africa Defense Forum, La Russie va utiliser une base libyenne près de la frontière avec le Tchad et le Soudan, 11/02/25 La Russie va utiliser une base libyenne près de la frontière avec le Tchad et le Soudan – Africa Defense Forum
Centre d’Etudes Stratégiques de l’Afrique, Reconfigurer le calcul politique du conflit au Soudan, 03/03/25 https://africacenter.org/fr/spotlight/reconfigurer-le-calcul-politique-du-conflit-au-soudan
Riddle Russia, Russia’s chances of establishing a base in Sudan, 25/02/25 Russia’s Chances of Establishing a Base in Sudan – Riddle Russia
Security In Context, Emerging stage for great power competition: Russia’s influence in Sudan amid political turmoil, 2023 https://www.securityincontext.org/posts/emerging-stage-for-great-power-competition-russias-influence-in-sudan-amid-political-turmoil
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Middle East Institute Switzerland, The unfinished return: geopolitical implications of Russia’s presence in Sudan, Africa and the Red Sea, 11/11/24 https://meiswitzerland.ch/en/themes-loc/the-unfinished-return-geopolitical-implications-of-russias-presence-in-sudan-africa-and-the-red-sea
Fondation Méditerranéenne d’Etudes Stratégiques, Sudan, Russia’s new gateway to Africa and the Indian Ocean, 06/03/21 https://www.eurasiantimes.com/after-u-s-long-pending-deal-gets-sudans-nod/
Agenzia Nova, Soudan : Dagalo à Nairobi pour forcer la main au gouvernement parallèle, Al Burhan se tourne vers l’Iran, 18/02/25 https://www.agenzianova.com/fr/news/Soudan-%3A-Dagalo-et-Nairobi-vont-forcer-la-main-avec-un-gouvernement-parall%C3%A8le-pour-que-Burhan-regarde-vers-l%27Iran
African Initiative, La Russie s’abstient de voter en faveur de la prorogation du mandat du Comité des sanctions concernant le Soudan, 18/02/25 https://afrinz.ru/fr/2025/02/la-russie-sabstient-de-voter-en-faveur-de-la-prorogation-du-mandat-du-comite-des-sanctions-concernant-le-soudan/
